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Thème 3 : Expérimentation in situ – Forçages et maîtrise des microstructures


Observation in situ de structures de solidification. Alliages transparents : croissance eutectique de CTB-HCE (INSP) et (b) structure dendritique de SCN-Acrylonitrile en lames minces (IRPHE) ; (c) réseau 2D de cellules de solidification d’un échantillon massif de SCN-Camphre au cours d’une expérience en microgravité à bord de l’ISS (IM2NP). Alliages métalliques : solidification de grains équiaxes (d) dans Al-10%pdsCu par radiographie X synchrotron (IM2NP) et (e) dans Al-20%pdsCu par micro-tomographie X synchrotron ultra-rapide (SIMAP). Silicium : (f) croissance dendritique facettée (radiographie X synchrotron).

Il est désormais bien établi que l’observation in situ et en temps réel des alliages en cours de solidification est une méthode de choix pour révéler la dynamique de structuration aux échelles d’espace et de temps pertinentes. Les moyens d’investigation adaptés à ces études partent de la microscopie optique standard pour l’étude, par des méthodes légères et flexibles, de matériaux transparents à la lumière visible, à l’utilisation de l’imagerie par rayons X (radiographie, topographie, tomographie 3D) tirant parti des avantages des sources synchrotron disponibles sur le territoire français et environnant (ESRF à Grenoble, SOLEIL à Paris, SLS en Suisse) ou des récents progrès des sources de laboratoires. Différentes configurations expérimentales pourront être mises en œuvre, en particulier :

• La solidification directionnelle d’alliages transparents ou métalliques à bas point de fusion en lames minces (de 10 à 100 μm d’épaisseur) permet, par observation en temps réel en vidéomicroscopie, une analyse précise de la dynamique de formation des microstructures dendritiques et eutectiques. Ces méthodes sont capables de révéler des mécanismes fondamentaux de formation des structures de solidification. Il a aussi été récemment montré que ces méthodes permettent de mesurer des quantités physiques difficiles d’accès (en particulier des coefficients de diffusion). Ces applications de type « métrologique » devront se prolonger dans l’avenir car elles fournissent des informations cruciales pour une comparaison directe avec des simulations numériques adaptées à ces échelles, telles que le champ de phase.

• Il sera également possible de tirer parti du développement récent de dispositifs expérimentaux originaux pour obtenir des informations directes sur des effets prépondérants, mais pourtant encore bien mal compris, sur la sélection des microstructures. En particulier :
- la solidification directionnelle en rotation, conçue à l’INSP, sera exploitée pour étudier les effets de l’anisotropie des interfaces en jeu, d’origine cristallographique.
- un montage expérimental de solidification directionnelle en lame mince a été modifié à l’IRPHE afin d’inclure un écoulement contrôlé et pouvoir étudier la dynamique couplée entre écoulement et solidification. Ce couplage est susceptible d’intervenir naturellement dans de nombreuses configurations et sa modélisation reste à éclaircir.
- une approche perturbative implantée à l’INSP consiste en un contrôle actif local par multipinces laser. Ce système permet, entre autres, d’accéder à des configurations naturellement instables et d’effectuer une sélection forcée de la microstructure de solidification.
- la reproductibilité et la visualisation in situ que fournissent les expériences de solidification directionnelles en lames minces pourront également être étendues à l’étude d’alliages multicomposants (ex : microstructures multiéchelles d’alliages eutectiques ternaires), de matériaux facettés et, plus aux frontières, de suspensions (ex : eau ensemencée de particules) et de cristaux colloïdaux (il peut être intéressant aussi de mentionner des prospectives vers l’élaboration de métamatériaux à base d’oxydes et de sels).

• La visualisation de la solidification de lames « épaisses » (quelques centaines de micromètres) d’alliages métalliques à température de fusion plus élevée (aux alentours de 660°C pour les alliages à base aluminium) est réalisable en utilisant des techniques d’imagerie X. L’utilisation de sources synchrotron qui fournissent un rayonnement X très intense et polychromatique a permis des observations uniques par radiographie en cours de solidification directionnelle d’alliages métalliques binaires. La visualisation directe de la transition colonnaire-équiaxe (CET) dans des alliages affinés, une déformation macroscopique du front de solidification due aux mouvements convectifs, ou encore l’interaction solutale entre grains dendritiques au cours de refroidissements isothermes en sont quelques exemples. De plus, des informations supplémentaires comme l’orientation cristallographique ou la déformation des microstructures dendritiques au cours de leur développement peuvent être obtenues par la combinaison des techniques de radiographie et de topographie. La comparaison de ces résultats avec des modèles méso- et macroscopiques se poursuivra.

• Une prochaine étape consistera en l’application de ces techniques d’imagerie à l’étude de la
solidification de matériaux d’intérêt industriel, alliages multicomposants et à température de fusion supérieure à 1000°C. Un dispositif expérimental a été développé par l’IM2NP, qui permet la visualisation de l’interface de solidification du silicium. L’étude de la sélection de grains et du maclage au cours de la croissance du silicium métallurgique est toujours en cours. La faisabilité pour des superalliages base nickel a été démontrée.

• Un autre développement récent est l’installation d’un aimant sur un four conçu pour l’étude de la croissance d’alliages à base aluminium par radiographie X synchrotron (SIMaP). Les premiers résultats ont permis de montrer l’impact de forces thermo-électro-magnétiques sur la sédimentation de grains équiaxes en présence d’un gradient de température. Des expériences complémentaires ainsi que des comparaisons avec des simulations numériques sont prévues afin de mieux comprendre les effets de forçage induit par l’application d’un champ magnétique permanent.

• Par ailleurs, un dispositif similaire à celui développé par l’IM2NP dans le cadre d’un projet de l’agence spatiale européenne (ESA) et destiné à des expériences de solidification en microgravité avec une caractérisation in situ par radiographie X a été adapté pour fonctionner à bord de vols paraboliques. Ce type d’étude permettra d’examiner l’influence de variations du niveau de gravité sur le développement de microstructures dendritiques, notamment sur le phénomène de fragmentation au voisinage des pointes de dendrites et dans la zone pâteuse. Par la suite, l’utilisation d’un tel dispositif d’expériences in situ équipé d’une source X de laboratoire permettra une certaine autonomie vis-à-vis des sources synchrotron, certes plus performantes, mais à accès limité.

• L’utilisation de méthodes d’observations in situ est d’autant plus avantageuse pour l’étude de la solidification d’échantillons « massifs » (millimétriques ou centimétriques) que les phénomènes qui entrent en jeu à ces échelles deviennent plus complexes à analyser :
- Alliages transparents ; études en micropesanteur : les études en solidification directionnelle sur l’oscillation de réseaux cellulaires et sur les transitions morphologiques de microstructures eutectiques dans des alliages transparents sont de parfaits exemples de la réussite de comparaisons avec des simulations numériques par champ de phase 3D. Ces collaborations se prolongeront. Une source majeure d’inhomogénéité dans ce type d’expériences est la présence inévitable sur terre de mouvements convectifs au sein de la phase liquide. Les opportunités à venir d’effectuer des expériences en microgravité seront donc cruciales pour poursuivre l’approfondissement de la compréhension des mécanismes fondamentaux et caractériser l’importance des effets de forçage globaux qui peuvent entraîner le système vers des états spécifiques (par exemple un effet d’alignement de biais thermique).
- Microtomographie X : Une avancée majeure réalisée par le SIMAP et l’ESRF est la possibilité d’effectuer des observations par microtomographie X synchrotron ultra-rapide, donnant accès à une visualisation directe, en 3D, et résolue en temps de la solidification d’alliages métalliques au cours de refroidissements isothermes avec ou sans champ externe, ou encore de la déformation de la zone pâteuse en conditions isothermes ou en cours de solidification. Deux axes principaux seront explorés. Tout d’abord, une étude approfondie de la formation de phases intermétalliques (sans champ externe) dans les alliages de fonderie à base aluminium sera menée afin d’identifier clairement les sites de germination (peux d’oxyde, phase primaire Al, autres ...) et d’évaluer l’impact des éléments d’addition sur ces sites et sur les tailles de ces intermétalliques. Le développement de ces phases aux géométries souvent complexes en trois dimensions a un impact important sur les propriétés finales du matériau, mais aussi sur la formation de défauts localisés au cours du refroidissement (freckles, hot tears, porosités). Un deuxième axe concernera la solidification sous champ externe, et particulièrement l’application d’ultrasons avant une solidification. Un dispositif in situ a été développé et permet d’appliquer les ultrasons avant la solidification et de mieux comprendre l’impact de ce traitement sur la germination du solide dans les alliages d’aluminium. Par ailleurs les ultrasons sont nécessaires à l’élaboration de nouveaux matériaux composites à base Al ou Mg renforcés par nano particules afin d’optimiser leur disperserion. La solidification de tels composites et l’impact des particules sur la germination et la croissance des dendrites est encore à ce jour un défi.
- Déformation de la zone pâteuse : les expériences en conditions isotherme ou en cours de solidification permettent de « voir » à l’échelle de la microstructure la propagation des défauts et de comparer ces données à des simulations (granulaires ou level-set). Nous nous concentrerons sur deux aspects : la déformation à l’état semi-solide et l’étude de la fissuration à chaud. Dans le premier cas nous réaliserons des essais « 4D » in situ de compression isotherme sur des structures globulaires de fraction de solide proche de 0.5 afin d’identifier les mécanismes d’agglomération ou de désagglomération des particules solides et éventuellement de ségrégation de liquide lors de la déformation. Dans le deuxième cas, une première approche consistera à réaliser à l’échelle des expériences de tomographie in situ une expérience de déformation (géométrie en « os de chien ») sur des alliages Al-Cu de différentes compositions pour mettre en évidence la fissuration à chaud et comparer les données expérimentales à des simulations numériques.


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